La géopolitique d’Oman : un facilitateur ? (3/3)
Fort de sa légitimité historique et d’une diplomatie ouverte, Oman dispose d’une posture originale dans la région. En effet, cette dernière fut en proie aux révoltes arabes de 2010-2011 et est, toujours aujourd’hui, au coeur de ce que certains appellent la « Guerre froide du Moyen-Orient ».
La libération d’otages
En mai 2011, quelques mois après le début des mouvements contestataires au Yémen, trois humanitaires français furent enlevés. Cette disparition s’opéra dans la région orientale de l’Hadramaout. Toutefois, en novembre de la même année, al-Qaida les libéra. Avant de revenir en France, ils firent une escale à Mascate. Une fois en Oman, l’un des ex-otages fit une déclaration où il remerciait le sultan Qaboos pour son rôle dans leur libération. L’État français alla dans le même sens et remercia Oman pour son rôle d’intermédiaire dans cette situation.
De la même manière, le sultanat d’Oman permit la libération de randonneurs américains quelques mois plus tôt. Ils avaient été arrêtés en Iran et retenus pendant vingt-six mois. D’abord condamnés à huit ans de prison, ils purent être libérés contre une caution de 400 000 euros chacun. Cette somme fut entièrement payée par l’État omanais. Au cours de ces négociations, le sultan Qaboos s’appuya sur un homme : Salem Ben Nasser Al-Ismaïli. Ce dernier fut formé aux États-Unis et au Royaume-Uni et était à la tête de l’Autorité de promotion des investissements et de l’exportation du développement.
Plus récemment, en 2015, le sultanat permit la libération d’une nouvelle otage française au Yémen. Le président François Hollande avait alors fait part de sa gratitude envers le sultan Qaboos.
Depuis plusieurs années, Oman s’appuie sur une bonne relation avec son voisin yéménite. Cela s’explique par le fait qu’Oman est la seule des six monarchies du Golfe à ne pas faire partie de la coalition arabe contre les Houthis. De ce fait, le Sultanat entretient des contacts avec toutes les parties du conflit au Yémen.
Le JCPOA
Le Joint Comprehensive Plan of Action, ou Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, fut permis par la médiation omanaise. Dès mars 2013, le sultan Qaboos organisa des rencontres entre des dignitaires étasuniens et iraniens. Oman dispose de bonnes relations avec les deux États ennemis. L’Iran est reconnaissant de la non-intervention omanaise lors de la guerre Iran-Iraq. Les États-Unis se souviennent quant à eux de la diplomatie omanaise vis-à-vis d’Israël dans les années 1990, lors du processus de paix. Parallèlement, la perspective du JCPOA déplut fortement à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
Grâce à cette diplomatie stratégique, Oman put réunir les deux États sur son territoire. Les Étasuniens envoyèrent William Burns, numéro deux du Département d’Etat, et Jack Sullivan, conseiller à la sécurité nationale. Du côté iranien, Ali Akbar Salehi, alors ministre des Affaires étrangères, et Ali Akbar Velayati, conseiller diplomatique de l’ayatollah Khamenei, furent présents.
Par ailleurs, l’année 2013 a été marquée par l’élection d’Hassan Rohani à la présidence iranienne. Cette arrivée permit un rapprochement avec les États-Unis. Quelques temps avant son élection, Qaboos lui rendit visite à deux reprises. Au cours de l’une d’entre elle, il transmit à H. Rohani une lettre de Barack Obama qui s’engageait à lever les sanctions en échange de mesures concrètes pour résoudre la question nucléaire.
La crise au sein du CCG
L’Arabie saoudite et le Qatar entretiennent une certaine rivalité dans la région. Les motifs sont divers et feront l’objet d’un prochain article. Néanmoins, la crise diplomatique éclata suite à une supposée déclaration de l’émir qatari Sheikh Tamim bin Hamad al Thani indiquant que l’Iran est l’une des puissances régionales et qu’il ne faut donc pas l’ignorer. L’Arabie Saoudite réagit en accusant le Qatar de soutenir divers groupes comme les Frères musulmans, les Houthis, al-Qaida ou Daesh. Le 5 juin 2017, elle rompit ses relations diplomatiques avec le Qatar, tout comme les Émirats arabes unis, l’Égypte et Bahreïn. Cette coalition mit en place un blocus terrestre, maritime et aérien à l’encontre de l’Émirat.
Fidèle à sa diplomatie indépendante, Oman refusa d’appliquer ce blocus. Deux semaines après, il annonça l’ouverture de deux routes maritimes vers le Qatar. De plus, le Sultanat augmenta le nombre de ses vols en direction et en provenance de l’Émirat. De cette manière, le Qatar put en partie contourner le blocus dont il était la cible.
Certains chercheurs, comme Alexandre Kazerouni, estiment qu’en agissant de la sorte, Oman se rangea du côté qatari et iranien. D’autres, comme Brigitte Dumortier, pensent qu’au contraire Oman chercha à envoyer un message à l’Arabie saoudite disant que les États qui ne pensent pas comme elle ne doivent pas subir de représailles.
Sources
« L’Iran libère les randonneurs américains« , Le Figaro, 21/09/2011.
« Le rôle d’intermédiaire discret joué par Oman« , Le Temps, 22/12/2013.
« Le sultanat d’Oman discret dans la crise du Golfe », L’Orient le Jour, 03/07/2017.